I want to give you the benefit of the doubt

I want to give you the benefit of the doubt, but I feel an urgent need to set the standards of the space. I wouldn’t tolerate a friend sexually harassing someone in my bathroom, or shouting racial slurs in my kitchen. In the same way, I want to make sure that Weird Canada is a space where people can feel safe. Not safe from challenge, but safe from the mundane and banal hatred that certain people face in every remote gas station and bank, in every park, and on every street. I want to make a space where the loudest voices and the biggest wallets don’t make the rules.

As a curator and a leader, I am accountable to my community, both in ensuring that it is a safe and inclusive space, and in challenging our relationship to each other and the outside world.

In my last couple years of leading Weird Canada – a community that exists to encourage, document and connect creative expression across Canada – I keep asking myself, “Is this art gay-bashing, or is it irony? Is this book furthering the objectification of women, or is it third wave feminism? Is this music cultural appropriation, or is it someone trying to explore their own origins?”

Free speech has nothing to do with this. This is about asserting community-defined, community-inclusive boundaries in a very specific community space.

I would have more good faith about the whole thing if at the root of these circumstances I didn’t always find a clustering of mainly straight, middle class men, wrapped in a shroud of ambiguity and confusion. There’s nothing wrong with straight white men, they are just born into their bodies like the rest of us, but why are they so often at the centre of these ambiguous, problematic circumstances?

All I have to go on is the visuals, the optics. The artists I deal with rarely bother with an artist’s statement. I often don’t know the stories, the gender, the race or the sexual orientation of the artist. And those details matter. There is a big difference between a gay man writing a homophobic-slur-rage-anthem, and a straight man writing the same song. One is an expression of lived pain, the other an unnecessary exacerbation and extension of that pain.

It is exhausting.

Many organizations and individuals avoid this assessment fatigue and instead just assume the best, often falling into jargon and defences of free-speech when challenged. Free speech has nothing to do with this. This is about asserting community-defined, community-inclusive boundaries in a very specific community space. Spaces without intentional boundaries have boundaries as well, they are just the default: invisible, normative, and exclusive.

Artists can and should express anything and everything that emerges. Anything else will lead to stagnation and cultural suffocation. Art should be about exploration and imagination, not pandering to the hippest trends in activist etiquette.

Still: don’t pilfer the choicest pieces of linkbait from other people’s struggles, as if creative expression is some kind of exploitation buffet. If your art is selling parts of someone else’s identity, while ignoring their current or historical struggle, you should closely examine your expression. I’m not saying “NO” I’m saying ”think.”

You will never see your own face. You will see photos, reflections and refractions.

There are many thoughts here that you could legitimately use as bicker bait, but I challenge you to read these words to find value rather than searching for the inevitable parts that rough your fluff. I am exhausted with being the culture police. Myself, I’m a human being dropped into this world without skin. Every speck of dust or dirt goes straight into my muscles, grinding against me every time I move. I don’t want to police anyone’s art, or anyone’s expression. I don’t want to exclude, to hurt, to offend. I want to love, to expand, to grow.

You will never see your own face. You will see photos, reflections and refractions. Listen to the world around you. Creatively express your own lived experience, practice empathy and thoughtfulness: all of our art will be stronger, and all these conversations will raise us up.

Marie LeBlanc Flanagan is the Executive Director of Weird Canada/Wyrd Arts Initiatives.

Je veux vous donner le bénéfice du doute. En fait, avant de faire ce geste, je ressens le besoin urgent d’établir les normes de l’espace. Je ne tolérerai, en aucun cas, qu’un ami viole quelqu’un dans ma salle de bains, ou crie des propos injurieux et racistes dans ma cuisine. De la même façon, je veux m’assurer que Weird Canada est un espace dans lequel on peut se sentir en sécurité. Pas des défis de la vie, mais de cette haine banale que ressentent les gens dans toute station d’essence et banque, dans chaque parc et rue. Je veux créer un espace dans lequel les plus gros portefeuilles ou les plus grosses voix ne dictent pas leurs règles. En tant que leader et curatrice, je suis responsable de ma communauté. Je lui dois autant de m’assurer de sa sécurité et qu’elle soit un espace inclusif, que de m’assurer que nos relations entre nous et avec le reste du monde soient mises au défi. Durant mes dernières années à mener Weird Canada – une communauté qui existe dans le but d’encourager, de documenter et d’assurer la connexion des expressions créatives, à travers le pays – il m’est souvent arrivé de me demander : « Est-ce que telle création est homophobe ou est-ce ironique? Est-ce que tel livre renforce l’idée de la femme-objet ou est-ce qu’il fait partie de la troisième vague féministe ? Est-ce que c’est de la récupération culturelle d’une musique ou quelqu’un qui explore ses propres origines ?

La liberté d’expression n’a rien à voir avec ça. Il s’agit d’affirmer des frontières définies par la communauté et incluant chaque membre de la communauté dans un espace communautaire très spécifique.

Si je ne voyais pas ces images d’hommes pour la plupart blancs, hétérosexuels, de la classe moyenne, enveloppés dans un linceul d’ambiguïté et de confusion, gravitant autour de ces concepts, je serais peut-être plus confiante. Je n’ai rien contre les hétérosexuels blancs – ils sont nés dans un corps, comme nous tous – mais pourquoi faut-il qu’ils soient si souvent au cœur de ces circonstances ambiguës et problématiques? Les seuls outils dont je dispose pour avancer sont le visuel, l’optique. Les artistes auxquels j’ai affaire s’occupent rarement de faire des déclarations sur leur démarche artistique. Souvent, il m’arrive de ne pas connaître l’historique, la race ou l’orientation sexuelle de l’artiste. Chacun de ces détails vaut son pesant d’or. Il y a une grande différence entre un homosexuel écrivant un hymne rageur et homophobe et un hétérosexuel écrivant le même texte. Cet hymne peut soit être l’expression d’une peine vécue ou une aggravation exagérée et inutile de cette même peine.

C’est épuisant

Beaucoup d’organisations évitent cet épuisement à l’évaluation, et tombent souvent dans le jargon et se mettent à défendre la liberté d’expression lorsqu’ils sont confrontés au problème. La liberté d’expression n’a rien à voir avec ça. Il s’agit d’affirmer des frontières définies par la communauté et incluant chaque membre de la communauté dans un espace communautaire très spécifique. Les espaces n’ayant pas de frontières intentionnelles ont aussi des frontières, celles par défaut : invisibles, normatives et exclusives. Les artistes peuvent -et doivent- exprimer toutes les choses qui émergent. Toute autre chose ne serait que de la stagnation et un étouffement culturel. L’art doit être une source d’exploration et d’imagination et ne pas être à la solde des dernières tendances liées à la bienséance activiste. Pour autant : n’allez pas piocher dans les plus beaux morceaux de la lutte d’autrui, comme si la création expressive n’était rien d’autre qu’un buffet. Si votre œuvre vend une partie de l’identité d’une autre personne, dont vous ignorez tout de ses luttes actuelles ou historiques, vous devriez réexaminer attentivement votre façon de vous exprimer. Comprenez-moi bien : je ne dis pas "NON" je dis "pensons".

Vous ne verrez jamais votre propre visage. Vous ne verrez que des photos, des réflexions ou des réfractions.

Il y a beaucoup d’idées ici qui pourraient être utilisées comme appât assouvissant une envie de querelles, mais je vous mets au défi de relire ce texte, en y trouvant de la valeur, plutôt qu’en y cherchant les inévitables passages qui ne vous caressent pas dans le sens du poil. Ce rôle de police de la culture m’épuise. Je suis moi-même un être humain, lâché dans ce monde, sans épiderme. Toute poussière ou saleté s’incruste dans mes muscles, s’abattant sur moi au fil de mes pas. Je ne veux pas censurer l’art ou l’expression de quiconque. Je ne veux pas exclure, blesser, offenser qui que ce soit. Je veux aimer, m’étendre, grandir. Vous ne verrez jamais votre propre visage. Vous ne verrez que des photos, des réflexions ou des réfractions. Écoutez le monde qui vous entoure. Exprimez créativement votre vécu, pratiquez l’empathie et la considération : tout notre art sera plus fort, et toutes ces conversations disparaîtront progressivement.

Marie LeBlanc Flanagan est directrice administrative de Weird Canada/Wyrd Arts Initiatives.